II
Hors ça, me voilà donc, cache-nez remonté au dessus des oreilles, bonnet de ski enfoncé jusquaux sourcils et mains enfouies dans les poches malgré les gants fourrés, descendant du « C barré » à larrêt « Grand-Poste » (en ces temps lointains, les tramway ferraillent toujours au milieu des rues, à Roubaix, et ils nont pas de numéro mais des lettres : celui-là, qui va quasiment de chez moi à Monoprix sans escale, cest le « C », barré en diagonale rouge. Le « C », quant à lui, part de moins loin mais saventure jusquà Tourcoing, limite Belgique et le « Risquons-Tout* » : lexpééédiiitiion polaire en vrai, quoi !!!!! Heureusement : ils sont chauffés. Trop, presque.)
Comme jai programmé large, jarrive à Monoprix alors que les portes viennent tout juste douvrir. Il doit être à peine deux heures de laprès-midi.
Catastrophe : le père Nowëll na pas encore pris son service ! Va falloir que je déambule entre les rayons tentateurs en attendant le lever de rideau, et ça, pour ma tirelire, cest jamais recommandé. Heureusement que, me connaissant, jai juste prélevé le minimum vital, tickets de tramway compris : ben oui, je suis du genre « fils prodigue ». Ça doit être par réaction à ma famille côté grand-père paternel (pas le franc-maçon, lautre), réputée pour ne les lâcher quavec un élastique. Et du genre plutôt costaud, lélastique, je vous prie de me croire !
Mais nous nous égarons.
Ce quil y a de terrible dans les « grands-magasins », cest quavec le chauffage, toutes les odeurs sexacerbent. Et comme « Monoprix », cest tout de même pas Chanel ou Givenchy, je vous conseille tout net déviter le rayon « Parfumerie-Cosmétiques » : comme dirait mon père, « On en ramasse plus avec son nez quavec une pelle ! ». De même, contournez au large les proches environs « Lingerie Féminine » ; « Nouveautés et Articles de Mode », voire même « Coupons et Linge de Maison » qui, comme par hasard, ne sont jamais très loin et dans la « sphère dinfluence » olfactive.
Vous me direz, à dix ans, quirais-je faire dans ces galères ??? Ben si : à lépoque de Nowëll comme aux alentours de la Fête des Mères, même à ces âges vous nêtes pas un gibier négligeable pour toute vendeuse à laffût ! Sauf que les « sent-bon » quils vendent là-bas (yen a même « à la tireuse », comme pour le pinard !), si un jour lidée me venait den offrir un flacon à ma Mômon chérie, je me retrouve déshérité dans la volée, aussi sec. Cest vrai quon dirait parfois que cest du combustible, leurs trucs.
Comme pour linstant, jai encore un peu besoin damour maternel (et surtout de chaleur), restons prudent
Pour ce qui est de la scène de théâtre, tout est prêt : il y a un superbe trône (Modèle « Henri II », comme les chaises chez ma Tante Nini. Sauf que là, en lieu et place de toiles daraignées, il y a débauche de guirlandes argentées, de boules-de-Nowëll et autres accessoires plus ou moins « Nativitesques » ; du style paquet entier de ouate hydrophile moutonnante, avec des Nounours et autres bestioles peluchesques diverses noyées dedans jusquaux genoux. (Ça a des genoux, les Nounours roses et bleus ? et les zèbre orange-et-noir ? et les girafes vertes ??? ça doit les changer de la brousse, la neige ! Et on na même pas pensé à les munir dun cache-nez, les pôvres ! vous me direz : avec les girafes, vue la longueur quil faudrait...)
Et tout ça, sous des sapins artificiels quont lair de goupillons-à-bouteilles géants trempés dans la chlorophylle pur-jus !
Menfin, faut tout de même pas exagérer ! les sapins, passe encore : y zauraient mis des ours blancs, des phoques et des pingouins, je veux bien, mais des girafes ! mais des zèbres ! mais un hippopotame !!! Pas encore question de réchauffement de la planète, à lépoque
Et là, alors que je métonne ingénument du peu de connaissances zoologico-botaniques des décorateurs de grand-magasin, TAADDAAMMMM !!!! entrée du père Nowëll.
En chair et en os.
Il serait juste de préciser quil y a nettement plus de chair que dos dailleurs, mais ce nest pas ça qui me cloue sur place, non.
Le plus inattendu : je le connais très bien, le Père Nowëll. Ou plutôt, je le reconnais : Cest lun des clochards que ma mère entretient avec un zèle quasi-religieux (Craindrait-elle un « Stage-Purgatoire » quelconque en rétorsion, à lusage des mères de famille qui ont la main leste avec leur descendance ?) ; lun de ceux qui viennent le plus régulièrement à la maison solliciter une petite pièce pour entretenir une soif jamais étanchée.
Ça alors ! si je mattendais
![]()
(La suite demain. On a encore le temps : Nowëll, c'est dans 6 jours seulement...)
*Le « Risquons-Tout », pour ceux qui ne connaissent pas, cest le poste frontière entre Tourcoing et la Belgique. Au delà, cest toujours en blanc sur les plans-guides « Ravet-Anceau » de lépoque : Terra Incognita. LEurope est encore loin, en 56
Hors ça, me voilà donc, cache-nez remonté au dessus des oreilles, bonnet de ski enfoncé jusquaux sourcils et mains enfouies dans les poches malgré les gants fourrés, descendant du « C barré » à larrêt « Grand-Poste » (en ces temps lointains, les tramway ferraillent toujours au milieu des rues, à Roubaix, et ils nont pas de numéro mais des lettres : celui-là, qui va quasiment de chez moi à Monoprix sans escale, cest le « C », barré en diagonale rouge. Le « C », quant à lui, part de moins loin mais saventure jusquà Tourcoing, limite Belgique et le « Risquons-Tout* » : lexpééédiiitiion polaire en vrai, quoi !!!!! Heureusement : ils sont chauffés. Trop, presque.)
Comme jai programmé large, jarrive à Monoprix alors que les portes viennent tout juste douvrir. Il doit être à peine deux heures de laprès-midi.
Catastrophe : le père Nowëll na pas encore pris son service ! Va falloir que je déambule entre les rayons tentateurs en attendant le lever de rideau, et ça, pour ma tirelire, cest jamais recommandé. Heureusement que, me connaissant, jai juste prélevé le minimum vital, tickets de tramway compris : ben oui, je suis du genre « fils prodigue ». Ça doit être par réaction à ma famille côté grand-père paternel (pas le franc-maçon, lautre), réputée pour ne les lâcher quavec un élastique. Et du genre plutôt costaud, lélastique, je vous prie de me croire !
Mais nous nous égarons.
Ce quil y a de terrible dans les « grands-magasins », cest quavec le chauffage, toutes les odeurs sexacerbent. Et comme « Monoprix », cest tout de même pas Chanel ou Givenchy, je vous conseille tout net déviter le rayon « Parfumerie-Cosmétiques » : comme dirait mon père, « On en ramasse plus avec son nez quavec une pelle ! ». De même, contournez au large les proches environs « Lingerie Féminine » ; « Nouveautés et Articles de Mode », voire même « Coupons et Linge de Maison » qui, comme par hasard, ne sont jamais très loin et dans la « sphère dinfluence » olfactive.
Vous me direz, à dix ans, quirais-je faire dans ces galères ??? Ben si : à lépoque de Nowëll comme aux alentours de la Fête des Mères, même à ces âges vous nêtes pas un gibier négligeable pour toute vendeuse à laffût ! Sauf que les « sent-bon » quils vendent là-bas (yen a même « à la tireuse », comme pour le pinard !), si un jour lidée me venait den offrir un flacon à ma Mômon chérie, je me retrouve déshérité dans la volée, aussi sec. Cest vrai quon dirait parfois que cest du combustible, leurs trucs.
Comme pour linstant, jai encore un peu besoin damour maternel (et surtout de chaleur), restons prudent
Pour ce qui est de la scène de théâtre, tout est prêt : il y a un superbe trône (Modèle « Henri II », comme les chaises chez ma Tante Nini. Sauf que là, en lieu et place de toiles daraignées, il y a débauche de guirlandes argentées, de boules-de-Nowëll et autres accessoires plus ou moins « Nativitesques » ; du style paquet entier de ouate hydrophile moutonnante, avec des Nounours et autres bestioles peluchesques diverses noyées dedans jusquaux genoux. (Ça a des genoux, les Nounours roses et bleus ? et les zèbre orange-et-noir ? et les girafes vertes ??? ça doit les changer de la brousse, la neige ! Et on na même pas pensé à les munir dun cache-nez, les pôvres ! vous me direz : avec les girafes, vue la longueur quil faudrait...)
Et tout ça, sous des sapins artificiels quont lair de goupillons-à-bouteilles géants trempés dans la chlorophylle pur-jus !
Menfin, faut tout de même pas exagérer ! les sapins, passe encore : y zauraient mis des ours blancs, des phoques et des pingouins, je veux bien, mais des girafes ! mais des zèbres ! mais un hippopotame !!! Pas encore question de réchauffement de la planète, à lépoque
Et là, alors que je métonne ingénument du peu de connaissances zoologico-botaniques des décorateurs de grand-magasin, TAADDAAMMMM !!!! entrée du père Nowëll.
En chair et en os.
Il serait juste de préciser quil y a nettement plus de chair que dos dailleurs, mais ce nest pas ça qui me cloue sur place, non.
Le plus inattendu : je le connais très bien, le Père Nowëll. Ou plutôt, je le reconnais : Cest lun des clochards que ma mère entretient avec un zèle quasi-religieux (Craindrait-elle un « Stage-Purgatoire » quelconque en rétorsion, à lusage des mères de famille qui ont la main leste avec leur descendance ?) ; lun de ceux qui viennent le plus régulièrement à la maison solliciter une petite pièce pour entretenir une soif jamais étanchée.
Ça alors ! si je mattendais

(La suite demain. On a encore le temps : Nowëll, c'est dans 6 jours seulement...)
*Le « Risquons-Tout », pour ceux qui ne connaissent pas, cest le poste frontière entre Tourcoing et la Belgique. Au delà, cest toujours en blanc sur les plans-guides « Ravet-Anceau » de lépoque : Terra Incognita. LEurope est encore loin, en 56